fate - djadjao

Le bâtiment se dresse devant lui et il serre un peu plus le papier dans sa main. À ce rythme, il va peut être le déchirer. Tant pis. Il regarde autour de lui une dernière fois, se demande une dernière fois si ce ne serait pas plus simple de se carapater, de profiter de ces quelques minutes pour reprendre sa liberté, quitte à vivre en cavale, quitte à arrêter son entraînement, quitte à ne jamais vraiment maîtriser son pouvoir. Mais il ne peut pas laisser Artemia derrière, alors il soupire, et il frappe à la porte en trois coups ferme. Son courage le quitte bien vite quand son regard croise celui d’une des employées, qui lui sourit aussitôt, et lui demande d’une voix douce s’il cherche quelqu’un en particulier. Sans vraiment vouloir réfléchir à pourquoi, il a un peu envie de vomir. “Daeja. Euh … Votre chef. Je cherche votre chef.” La voix lui répond que Daeja ne prend habituellement pas de visiteurs, mais une autre voix de la même teneur la hèle, et s’ensuit une discussion qu’Aodhan n’est pas certain de comprendre, alors il reste sur le perron à se balancer un peu d’un pied sur l’autre. “Non mais sinon vous pouvez lui dire que je suis passé et que je comprends qu’elle est très occupée. Une prochaine fois, peut être !” Mais la porte est déjà grande ouverte, et le sourire s’est agrandi. Viens, je te montre le chemin. Il grimace, mais il obtempère.

Ses yeux restent obstinément plantés sur le sol pendant qu’il suit l’employée, et il se demande si c’est vraiment malin, de ne pas regarder où il va et par conséquent de ne pas pouvoir prévoir comment faire demi-tour si cela devenait nécessaire, mais c’est plus fort que lui, alors tant pis. Les odeurs lui chatouillent le nez, les voix douces ou envoûtées lui donnent des frissons dans le dos, et il a bien trop peur de ce qu’il risquerait de voir en ouvrant réellement les yeux. Finalement, il attend devant une porte close, et c’est bien mieux comme ça. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre, en tout cas. Tu peux y aller, elle t’attend. Il grimace, de nouveau. Inspirer, expirer. Il ne faut pas faire de catastrophe diplomatique. On lui a dit quoi faire. Rentrer, serrer la main, obéir. Rester discret. Surtout, surtout, ne pas accepter d’invitation de qui que ce soit. Alors il rentre, mécaniquement, jusqu’à se retrouver devant elle, et il tend la main, même s’il n’est pas vraiment sûr que ce soit la bonne marque de respect, ici. “Bonjour. Aodhan. Je suis … enfin vous savez qui je suis, du coup.” Ca commence mal. “L’échange euh. Le signe de bonne foi. Enfin, voilà quoi.”

Il n’a toujours pas relevé les yeux. Ca, il est presque sûr que c’est impoli dans toutes les cultures. Et finalement, ça devient impossible de rester planté devant quelqu’un qu’il ne peut pas voir, et encore plus sans savoir s’il a toujours une porte de sortie. Alors la première chose que fait son regard, c’est compter les fenêtres et les portes. La deuxième, c’est croiser celui de Daeja. Quelque chose, assez rapidement, remue en lui, et il fronce les sourcils sans vraiment réussir à mettre le doigt dessus. Ces yeux lui disent quelque chose. Comme s’il les avait déjà vus. Mais c’est impossible, pourtant.